MARATHON DE ROME
Veni Vidi Vici
9h00 : c’est le départ.
Nous sommes quatre à défendre les couleurs de Courir à Peillon, Philippe, Marc, Freddy et Moi. La tension monte, les gens piétinent, avancent d’un mètre puis s’arrêtent. Ce n’est pas pour maintenant, faux départ. On ronge le frein…
Au rayon des anecdotes, j’ai bien failli louper le marathon ce matin. Au B&B où je dors, Grabriella avait oublié de me dire de ne pas fermer la porte à clé de l’intérieur. “Ah bon ! on fait comment alors ?” La réponse, je l’ai eu 20 minutes plus tard avec sa belle-s?ur qui est venu nous ouvrir en pyjama. Respirer, souffler, no stress… “il y a toujours une solution !”.
Du coup, j’arrive en retard au rendez-vous, les autres sont placés sur la ligne de départ comme la majorité des 15 000 participants. Tout va bien, à 20 minutes du départ, je suis en survêtement, il faut que je pose mon sac à la consigne. C’est pas compliqué, ma consigne, c’est un des 20 semi-remorques répartis de chaque côté de la route. Galanterie oblige, c’est le vestiaire des femmes au premier plan. Ouf ! mon camion est le cinquième. Je me dirige vers mon sas et me retrouve à hauteur des ballons 5h30. Pas terrible pour quelqu’un qui veut faire 4h. Je profite de ce faux-départ pour me faufiler et ainsi me rapprocher de mes lièvres. 5h15… 5h00… Bon ! Ben là, après avoir essuyer des insultes en italien, anglais et autres (sauf kenyan, ils sont plus devant, beaucoup plus loin), et écrasé quelques pieds, ce qui, éventuellement peut justifier les insultes, je m’arrête. Philippe a réussi à pénétrer dans le sas “Elite”. Pour son dernier marathon, il s’est offert les Kenyans en s’alignant à leurs côtés en vieux “roublard” qu’il est. Marc s’est positionné avec les ballons 3 h. Il est dans la course, tout va bien Euh ! Juste un léger problème. Il était placé entre un mec et une nana qui n’arrêtaient pas de papoter sous son nez… ni une, ni deux, il soulève le mec et le télèporte à côté de sa douce. Affaire réglée !!! Freddy s’est placé au 3h30. Des hurlements et des sifflets montent et se font plus intenses. C’est bon, on va lâcher les fauves du Colisée, cette fois c’est le départ… on gagne les quelques centimètres qui nous séparent du départ… Puis on s’arrête de nouveau. Ce n’est que vers 9h20 que le vrai départ est lancé.
“Alea jacta est” depuis longtemps, mais là, on y est. Le Marathon de Rome.
Progressivement la course prend sa vitesse de croisière. Je me déplace en réalisant de jolis petits sauts de Bambi, à droite, à gauche pour dépasser ceux qui ne sont pas dans mon rythme. Je suis heureux et léger, je me sens plutôt bien… “plus que 42 km ” me dis-je. Je cours à 11.5 km/h (au lieu des 10,55 prévus). J’ai un secret espoir de rattraper Philippe. Or, il court avec les ballons 3h30. Après 5 km, j’ai remonté les 4h45, 4h30, 4h15… ayant les 4h00 dans le viseur, je ralentis pour économiser mon moteur. Au km 12, j’aperçois le fan club de Courir à Peillon (Hélène, Magali, Magali, Angélique, Bettina). Je détourne ma trajectoire pour embrasser ma fille. Une dose d’adrénaline se déverse dans mon sang. J’accélère sans m’en rendre compte, et 3 km plus loin, je me retrouve à hauteur des 4 h. 1h58 de course. Oh ! Agréable surprise.
Au semi, Philippe m’attend le sourire aux lèvres. Je le rejoins… puis le dépasse. Il marche, les mains sur les hanches, “t’occupes pas de moi, je suis cuis”. Une tristesse m’envahit, c’est son dernier marathon, il ne peut pas terminer une carrière de 24 marathons commencée à 28 ans de cette façon !!! Pour moi, à partir d’ici, chaque pas est un record. Marc est à l’approche du km 30 (2h01) et Freddy se situe au alentours du km 25 (1h45 au semi).
C’est fou tout ce à quoi on pense après 2 heures de course en solitaire. Tout d’abord, cet article dont j’ai l’honneur de rédiger. Puis ma fille, ma femme, ma nouvelle vie à Nice. Le repas hier soir pas loin de la fontaine de Trévi où j’ai osé un verre de vin (peut-être de trop). Un peu d’anatomie avec les prémisses de blessures concernant mon corps et les charmantes demoiselles aux jolies formes qui me doublent. Mon alimentation avec l’utilisation des gels tous les 5 km et ma tactique de course (assez simple au final, il faut juste serrer les dents).
Km 30 et 2h50 de course. Premières difficultés alors que Marc est sur le point d’arriver en 2h53’26”. Le parcours se vallonne et les douleurs apparaissent pour de bon… toutes en même temps ! Le physique quitte le navire, le mental à l’abordage. La tempête se lève, il faut rejoindre le port. Serrons les dents moussaillons. J’essaie d’établir une hiérarchie de la douleur. Grand favori et prétendant au titre : Achille et son tendon ; puis viennent les genoux et les ongles des gros orteils et son lot d’ampoules, et pour finir, les épaules qui me rappellent de vieux souvenirs de rugby… Je me décide de me focaliser sur une blessure pour oublier les autres. Cela ne dure qu’un kilomètre et a pour effet de rendre jalouses les autres. Je décide de modifier ma façon de courir et de ralentir à 10 km/h (les 4h n’ont plus d’importance, seule la ligne d’arrivée à son importance).
Pour passer le temps et oublier que je cours, je recherche les paroles d’une chanson de ma fille :”un canard a dit à sa canne, ris canne, ris canne (bis), et sa canne à rit.” On ne se moque pas ça eu le mérite de durer sur deux kilomètres.
Km 35 et 3h23 de course. Je me dis que Marc a déjà récupéré son sac et est probablement changé… Le veinard. Freddy doit penser au dernier km, il finira en 3h40’49” déçu d’avoir faibli au km 35. Moi ? je marche… au ravitaillement, tout le monde marche, pourquoi pas moi ! C’est tellement plus simple de s’arrêter. Le stand passé, je repars comme en 40 avec un cortège de douleurs et les chaussettes remplies par le moral. Là ! “Putain” que c’est dure ! Chaque pas, chaque choc avec l’asphalte me lance des décharges dans les cuisses. Mais on ne peut pas craquer à 6 km du Graal ? “Je finirai s’il le faut en marchant mais debout”. Je n’ai pas le temps de finir ma pensée qu’une main me tape dans le dos :”tu n’auras pas plus mal en marchant qu’en courant, alors cours.” Une française fraîche comme un gardon me double en donnant l’impression de ne pas toucher le sol, elle porte un T-Shirt “100 km de Millau”. Le Vatican vient de m’envoyer un ange. Je me reconcentre sur ma technique de course : je serre les dents et j’avance. Pourquoi cette femme m’a parlé en français ? C’est pas écrit sur mon cul. Ah ! Mon T-Shirt Courir à Peillon. Merci le club.
Km 40 et 3h59 de course. Je pense que tout le monde est arrivé, y compris Philippe dont j’imagine l’abandon et la grande déception. Pour ma part, des larmes de joie me viennent car plus rien ne peut m’empêcher de franchir la ligne. Je reconnais le quartier. On y a flâné hier soir, je ne regrette plus mon verre de rouge. Je vois les filles au niveau du dernier ravitaillement. Leur visions remplacent tous les gels et produits dopants. Merci mesdames d’avoir attendu 4h que je veuille bien passer.
Je ne commande plus mes jambes, maintenant c’est en pente jusqu’à la ligne d’arrivée. Des jeunes handicapés qui avaient une foulée plus légère que moi me doublent en riant… Hallucination ? Non, ils n’ont pas de dossard. Ils sont juste venus franchir la ligne en vainqueur. D’ailleurs, dans un marathon, on est tous vainqueurs dès qu’on franchit la ligne… Je suis un marathonien.
En rejoignant le groupe, j’apprends que Philippe a fini en 4h26’36”. Il s’était reposé pour repartir de plus belle. Il s’est même offert le luxe d’accélérer sur les 5 derniers kilomètre en améliorant de 2 minutes son temps de passage. Un Monsieur du bitume ce Philippe. Bravo à toi, c’est une belle leçon que tu me donnes. Etre à l’écoute de son corps, et l’envie de franchir la ligne est aussi forte du premier au dernier marathon. Si des personnes sont intéressées, je pense faire un marathon cet automne…
David Laroche